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Aristée
22 septembre 2006

UN LONG DETOUR


 

UN LONG DETOUR   

      Jean prit conscience de ce qu'il était dans un état neutre.

     Il n'avait pas  faim, il n'avait pas   soif, il n'avait mal nul part,il n'avait pas de grands désirs, il n'avait pas d'espoir particulier, il n'était pas heureux, il n'était pas malheureux.

   Marié avec Solange depuis 10 ans, ils menaient une vie tranquille, bien réglée, avec une séance de cinéma chaque  Vendredi soir, et le déjeuner chaque Dimanche chez la mère de Solange.

   Rédacteur dans le service production d'une compagnie d'assurances, il était agent de maitrise et  serait sans doute nommé sous chef de service a la veille de sa retraite.

    C'était dans l'aprés midi d'un mardi, alors qu'il venait de finir un dossier, que toutes ces réalités lui sautèrent a l'esprit.

   Certes, il n'y avait aucune révélation dans tout cela. Mais il n'avait jamais eu la conscience aigue de tous ces éléments réunis qui faisaient de sa vie une existence médiocre, sans intérêt, sans saveur.

  .......... Et ce fut la première fois qu'il ressentit quelque chose d'aussi fort.Une envie ( enfin!!) de réagir.

    Oui mais quoi faire? Et dans quel domaine changer les choses?

   Il prit son téléphone et appela Solange à son bureau ( ce qu'il ne faisait jamais habituellement)

  • Allo, Solange? Je ne rentrerai pas ce soir. Pourquoi? Je n'ai pas de raison particulière. A demain.

  • C'est curieux, aussitôt aprés avoir raccroché, il ressentit en lui une sorte de contentement, un plaisir jusqu'alors inconnu de « sortir des clous »

  •    Au lieu de sortir à 17 heures 30 comme tous les jours, il traina, lu le journal qu'il avait acheté le matin et sortit de la compagnie vers 18 heures 30.

  •    Il alla dans un grand magasin, s'acheta une valise, un pyjama une brosse a dents et prit une chambre a l'Hotel de France. Il dina dans un restaurant chinois puis chose impensable pour un mardi, il alla au cinéma voir un film qu'il avait repéré dans son journal.

  •    Cette sorte d'euphorie qui l'habitait depuis son coup de fil a Solange ne le quittait pas. Bien au contraire. Il sentait bien qu'une mutation s'effectuait en lui, qu'il devenait un autre homme, et qu'un tournant décisif venait de s'accomplir.

  •    Aprés une nuit paisible, il se rendit le lendemain a son bureau. Dés son arrivée, il écrivit sa lettre de démission et téléphona à Solange, une nouvelle fois a son bureau.

  • - Allo Solange? Je rentre ce soir. Nous aurons a parler.

  • - Mais enfin Jean que t'arrive t il?

  • - Rien de grave. Nous en parlerons ce soir. Excuse moi, j'ai beaucoup de travail.

  •      Dans l'aprés midi, il fut convoqué chez le Directeur adjoint auquel sa lettre de démission avait été remise.

  •    L'entrevue fut très brève. La compagnie se demandait surtout si la concurrence n'essayait pas de débaucher son personnel. Jean lui assurant qu'il ne partait pas dans une autre compagnie d'assurances, le sous directeur était rassuré et ne posa pas d'autres questions.Ce qui lui confirma qu'il n'était rien. Son absence passerait inaperçue.

  •     Une demie heure aprés son heure normale, Jean arriva a son domicile.Contrairement aux habitudes, Solange était arrivée la première.

  •    Manifestement , elle était très inquiète, et attaqua aussitôt

  • - Tu vas m'expliquer? Que se passe t il ?

  • - Je vais te répondre très franchement. Mais je ne suis pas certain que tu puisses me comprendre.

  •    J'ai eu hier une sorte d'éclair de lucidité. J'ai pris conscience en un instant que je menais une vie absolument insipide.Et j'ai tout aussitôt décidé de changer de vie..

  • - Réponds moi : Il y a une femme la dessous?

  • - Mais non! Je t'avais bien dit que tu ne pourrais comprendre. Ne vas pas chercher midi a quatorze heures. Je t'ai dit exactement ce qui s'est passé.J'ai donné ma démision.;

  • - Tu as donné ta démission? Mais tu es fou!!Tu as sans doute un petite dépression, mais ça va passer. Je t'en supplie Jean, ne fais pas de bétise...Il faut que tu te reposes un peu et tout rentrera dans l'ordre..

  •   - Mais justement, je ne veux pas que tout rentre dans l'ordre

  • - Mais enfin que veux tu exactement?

  •    - Je te l'avoue, ce que je veux exactement je n'en sais encore rien. En revanche, je sais parfaitement ce que je ne veux plus. Ce que je ne veux plus, c'est cette vie étriquée, minutée, sans relief , sans surprise...

  • - Tu veux devenir un aventurier? Mais mon pauvre Jean tu n'es pas fait pour ça!

  • - Sans devenir un aventurier, je veux une vie avec plus de fantaisie, et tu ne peux savoir si je suis ou non fait pour cela.

  • - Tu parlais tout a l'heure d'un éclair de lucidité.Il me paraît bien flou, cet « éclair »!

  • - L'éclair de lucidité concernait le passé.J'ai pris conscience de la médioctité de ma vie.

  •     Sur le plan pratique voici ce que je te propose:

  •    Si tu désires conserver la location de notre appartement, je te le laisse. Tu gardes bien entendu la maison de tes parents et je conserve la petite ferme de mon père.Nous avons exactement 68000 euros d'économie. Nous partageons. 34 000 euros pour chacun.

  •   Je dois un mois de préavis a mon employeur.Cela nous laissse le temps de nous retourner toi et moi. J'ai parfaitement conscience que ma décision va te poser des problèmes a toi aussi, mais je te le demande, n'insiste pas. Ma décision est irrévocable

  • - Mais c'est de la folie pure et simple.En somme tu te plains d'avoir une vie trop facile, , tu la voudrais plus difficile. Tu es maso!!! Et avec ta lubie ( qui va vite passer, j'en suis sure) tu flanques tout par terre et pour toi et pour moi.

  • - Je te le répète. N'insiste pas.A partir de ce soir, je m'installe dans la chambre d'amis..

  • - Ah, tu vois? Il y a une femme la dessous!!!

  • - Je te répète que non. Maintenant tu crois ce que tu veux, c'est ton problème.

  • - Je pense que tout de même, nous sommes mariés depuis 10 ans. Tu décides sur un coup de tête de casser notre mariage, tu donnes ta démission d'un emploi dont je n'ai jamais entendu te plaindre, alors, je crois que j'ai droit a quelques explications. Tu as bien pensé a régler nos problèmes matériels( même s'il y a beaucoup a dire). Il n'est pas possible que tu n'aies pas une idée de ce que tu vas faire.

  • - Tu peux ne pas me croire. Mais c'est pourtant vrai. Je n'ai pas encore pris de décision sur mon avenir. Mais lorsque j'aurai pris des décisions, je t'en ferai part. Pour l'instant, en dehors de mon installation dans la chambre d'amis, je te demande pour un mois de vivre normalement.

  • - Vivre normalement, cela veut dire que je m'occuperais de faire marcher la maison, pendant que Monsieur va réfléchir a ce qu'il va faire? Il n'en est pas question. Tu te veux indépendant, hé bien tu vas l'être dés maintenant.  Je pars dés ce soir et je vais m'organiser, moi aussi.Tu n'as même pas besoin de changer de chambre.

  •     Et Solange partit faire une valise. Une demie heure plus tard, aprés avoir téléphoné a son amie Colette, qui était d'accord pour l'accueillir au moins ce soir, elle partit sans revoir Jean qui s'était enfermé dans la chambre.

  •     ( A suivre)
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